Royal, féodal et colossal, le château d’Angers

19/07/2020

En lisière du cœur historique d'Angers, à l'aplomb de la Maine, le château du roi René est sans conteste l'édifice le plus emblématique du patrimoine local. Solidement ancré sur son promontoire, dominant de toute sa majesté une partie de la ville, et fort du gigantisme de ses murailles, il semble bâti pour régner une éternité.

Avec sa muraille de schiste et de calcaire, la forteresse angevine semble indestructible.
Avec sa muraille de schiste et de calcaire, la forteresse angevine semble indestructible.

Sur les vestiges d'un oppidum (village fortifié) gaulois et ceux de la ville de Juliomagus (nom antique d'Angers), le château des ducs d'Anjou fut construit à partir de 1230 par la régente du royaume de France, Blanche de Castille, mère du futur saint Louis. Le but étant d'y accueillir les troupes royales. Sur cette crête rocheuse peuplée par l'homme depuis le néolithique, s'étaient notamment succédé les premiers comtes d'Anjou dont le but était de faire face aux Normands (IXe siècle), puis, trois siècles plus tard, la puissante dynastie des Plantagenets qui édifia un véritable palais.

Comme tous les châteaux forts du Moyen Âge, cette construction seigneuriale du XIIIe siècle était destinée à protéger la noblesse tout en contrôlant le territoire. Avec sa muraille de trente mètres de haut, ses façades compactes et homogènes, sa position dominante sur la rivière, ses dix-sept tours circulaires, elle revendiquait sa fonction guerrière et sa capacité à verrouiller l'accès de la ville. D'autant qu'à l'époque ses tours étaient surmontées de poivrières, ces toits coniques destinées à renforcer les fortifications.

Au cœur de la ville, le château du roi René veille sur ses sujets angevins.
Au cœur de la ville, le château du roi René veille sur ses sujets angevins.

A la fin du XVIe siècle, au moment des guerres des religions, les tours furent amputées de ces guérites afin de les adapter à l'évolution de l'artillerie adverse. Ce fut sur décision du représentant d'Henri III, le gouverneur Donadieu de Puycharic, que cette modernisation eut lieu. La physionomie du château deviendra alors celle qu'on lui connaît aujourd'hui, en gardant toutefois sa capacité de puissance et d'invincibilité. Car la vocation de ce mastodonte de calcaire et de schiste devait demeurer celle d'une forteresse imprenable.

Autant l'aspect extérieur peut sembler dépouillé, autant l'intérieur s'affranchit de cette impression en révélant une facette plus résidentielle, plus raffinée. Une fois le pont-levis franchi, le regard découvre une vue d'ensemble sur les bâtiments, la salle frontale, dont il reste quelques pans de murs (François 1er y fut reçu au début du XVIe siècle), une chapelle construite à la demande de Yolande d'Aragon, un logis royal édifié sous Louis II, un châtelet daté de 1450 et construit par le roi René, des chemins de ronde (invisibles hors de l'enceinte) et des jardins remarquables, le tout réparti sur une surface de 20 000 mètres carrés.

Une vigne, un potager, un peu de végétation, des arbres, un jardin à la française : le château s'est mis au vert.
Une vigne, un potager, un peu de végétation, des arbres, un jardin à la française : le château s'est mis au vert.

Bâtisseur, érudit, écrivain et poète, René d'Anjou - futur roi René - fut celui dont le nom resta à jamais associé au lieu, au point que les Angevins attribuent volontiers ce château comme étant celui du roi René. Car l'homme le marqua de son empreinte. Il fut celui qui transforma les parties intérieures en résidence royale, qui planta un jardin, une vigne et un potager, qui importa toutes sortes d'essences. D'aucuns retiendront même qu'il aménagea une ménagerie d'animaux domestiques (poules, canards) et exotiques (lions, léopards, singes) dans les douves.

De nos jours, le château s'est trouvé une mission hautement patrimoniale en protégeant un joyau extraordinaire : la tenture de l'Apocalypse. Œuvre de grand prestige de l'art médiéval, cette tapisserie unique au monde fut commandée vers 1375 par le duc Louis 1er d'Anjou, fils du roi de France Jean II le Bon. Sur 100 mètres de long et 4,50 mètres de haut, elle illustre le dernier livre de la Bible qui décrit le Bien et le Mal, l'opposition entre Dieu et Satan. Propriété du trésor des tapisseries des cathédrales de France, elle est abritée à demeure dans une galerie dédiée.