Les bunkers allemands de Pignerolle

23/10/2021

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Kreigsmarine (marine de guerre allemande) a érigé des bunkers dans le domaine de Pignerolle, à Saint-Barthélemy-d'Anjou, afin d'y établir son état-major et son intendance. En prenant possession de ce site sur lequel se trouvaient un château et une orangeraie, il s'agissait d'établir un centre de télécommunications névralgique.

Une association angevine organise régulièrement des visites des bunkers de Pignerolle.
Une association angevine organise régulièrement des visites des bunkers de Pignerolle.

Chacun connaît le fameux mur de l'Atlantique construit par les Allemands à partir de 1942, ligne ininterrompue voulue par Hitler pour en faire une barrière de blockhaus, de casemates, de batteries anti-aériennes, de barbelés. De la mer du Nord au sud de l'Atlantique, le maréchal Rommel fit bâtir sous l'égide de l'Organisation Todt des milliers de fortifications afin de protéger les rivages, les ports et les bases sous-marines d'une France occupée par les troupes nazies. L'opération avait pour but d'empêcher l'invasion du continent par les Alliés depuis la Grande Bretagne.

Conséquence d'un raid anglais effectué en mars 1942 sur Saint-Nazaire et d'un pilonnage implacable de la base sous-marine de Lorient, les Allemands décidèrent alors d'éloigner des côtes leur poste de commandement afin de le mettre à l'abri de l'aviation ennemie. Choisi pour sa relative tranquillité et son espace forestier, le domaine de Pignerolle, situé à Saint-Barthélemy-d'Anjou, fut notamment retenu à la fois pour son potentiel mais également pour sa proximité avec Lorient et Paris, rapporte l'association angevine du Mémorial des bunkers de Pignerolle.

Précédemment occupés entre 1939 et 1940 par le gouvernement polonais en exil, qui avait fait d'Angers la capitale provisoire de la Pologne, les lieux vont rapidement se métamorphoser avec la construction de dix blockhaus dissimulés sur les 80 hectares du parc. Autre raison invoquée par l'état-major de la Kriegmarine pour le choix de ce site : Angers coordonnait déjà un important centre administratif militaire avec dix-sept départements sous son contrôle, de la Normandie au Pays basque.

Plus de 600 ouvriers du bâtiment sont alors réquisitionnés et vont généraliser l'emploi de ce matériau jusqu'alors peu utilisé en Anjou : le béton armé. Cette utilisation massive fera si bien la preuve de sa résistance qu'on trouve toujours des bunkers étonnamment conservés un peu partout sur le littoral, quatre-vingt ans après. C'est aussi vrai pour le domaine de Pignerolle qui abrite nombre de ces indestructibles vestiges aux quatre coins de son parc, d'autant que ce vaste complexe ne fut jamais bombardé par les Alliés. Pour parachever cette œuvre, un onzième blockhaus a été construit à l'une des entrées, côté Saint-Barthélemy.

Au centre de ce dispositif, se trouvait l'impressionnant bunker amiral avec ses antennes connectées aux postes de commandement terrestres et sous-marins, édifice qui est bâti sur deux niveaux, l'un en surface (toujours visible de nos jours), l'autre enterré et relié au château par un passage souterrain. Cet abri anti-aérien bénéficiait d'un système de filtration hermétique qui permettait aux soldats de se protéger d'une attaque au gaz. À l'intérieur, salles de commandement, de chiffrement dont la fameuse machine Enigma, locaux techniques, groupes électrogènes, postes récepteurs, émetteurs, cartes marines, graphiques... À l'extérieur, le parc était entouré de défenses : couverture aérienne par DCA, nids de mitrailleuses, champ de mines, fossés antichars, grenades...

Le domaine de Pignerolle fut ainsi le quartier général des forces sous-marines pendant la Bataille de l'Atlantique, un lieu que visitait parfois l'amiral Dönitz, successeur éphémère d'Adolf Hitler à la tête du Reich à la mort de celui-ci. Mais ce lieu fut également une base de repos pour les sous-mariniers baptisée « u-boot pâturage », référence aux fameux submersibles d'attaque, les u-boot de sinistre mémoire. Et tandis qu'on décernait des décorations aux commandants et aux chefs de flottilles dans les salons de réception du château, le parc accueillait en son sein des baraquements d'habitation pour y loger plus de mille hommes.

Le 9 août 1944, quelques semaines après le débarquement du 6 juin, les sous-mariniers quittent les lieux, non sans avoir mis le feu au bunker amiral. Le lendemain, Angers est libérée... Puis, à partir de 1946, les baraquements abandonnés sont successivement occupés par des Américains, puis par des prisonniers de guerre, et enfin par des sinistrés sans logement, et cela jusqu'au début des années soixante.