Le peintre Bernard Buffet au musée de Fontevraud
C'est une exposition qui ne dure que le temps d'un été. Le musée d'Art moderne de Fontevraud présente l'un des plus grands peintres contemporains que la France ait connu après-guerre. Après les rétrospectives Claude Monet et Rembrandt, place à celle de Bernard Buffet ! Né à Paris en 1928, il émerge dès 1947 à l'âge de 19 ans en imposant sa peinture au style plat et sans ombres, parfois doublé d'un graphisme qu'on décrit comme aigu avec des fonds travaillés.
Dans sa présentation, la directrice du musée insiste sur deux points particuliers en présentant l'œuvre de ce peintre « très connu, mais aussi méconnu » que sont l'aspect médiéval d'un côté et pop de l'autre. Parfois qualifié de gothique par la critique, il émaille son travail de références médiévales en traitant par exemple Jeanne d'Arc, la Passion du Christ, l'Enfer de Dante, médiévales également en inventant ce style très graphique, très plat. Le côté pop, quant à lui, s'aborde dans toutes ses significations pop art, notamment dans ses modes d'expression très populaires telles la bande dessinée, la carte postale, la publicité. « On pense connaître Buffet, souvent avec des idées reçues, mais on découvre d'autres aspects de son œuvre dans cette déambulation en soixante-dix tableaux », conclut-elle.
Pour l'étudiant de l'école des Beaux-Arts et fidèle du Louvre, la reconnaissance arrive très vite avec l'huile sur toile Deux hommes dans une chambre, qui remporta le prix de la Critique organisé par la Galerie Placide en 1947. Dans une cuisine, deux hommes nus posent de face avec pour seul décor une table et une chaise, ainsi que quelques ustensiles familiers de cuisine. Pas de fioritures pour cette huile sur toile grand format en noir et blanc, la sobriété est de mise et installe le style d'un artiste reconnaissable entre tous. Parmi les compositions impressionnantes abritées dans l'une des salles du musée, La Crucifixion (1951) se distingue par son format monumental avec ses personnages longilignes, caractéristiques du style ascétique de ce jeune peintre. Dans cette veine exprimant l'imagerie médiévale, l'exposition explore la source du Moyen Âge avec les réalisations Le Procès (de Jeanne d'Arc) et Dante.
Grâce au succès de ces réalisations, l'œuvre de Buffet fut présentée dans les galeries du monde entier et le grand public adhéra immédiatement, les puristes un peu moins, notent les observateurs. Après la période médiévale qui caractérisa ses débuts, le musée montre une autre facette de l'artiste que certains découvriront avec plaisir. Dans les années 1950, le pop art émerge en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Celui qu'on présente parfois comme le successeur de Picasso traite de ces thèmes et partage le même intérêt pour les objets usuels et les symboles populaires. Le parcours de l'exposition dévoile cet autre aspect de l'œuvre et son besoin d'inventorier les objets du quotidien (ustensiles, bougeoirs, automobiles, et même un revolver) en usant de couleurs vives dans ses toiles.
On passe là du minimalisme du trait et de l'austérité initiale de son style à des réalisations colorées, vives et libérées, qui le mèneront à exposer sur des thèmes variés et renouvelés au gré des expositions annuelles qui lui sont consacrées (Les Plages, L'Automobile, les Sumos et le théâtre Kabuki, les Clowns musiciens, Régates, Paysages…). Pour l'heure, il convient d'admirer l'huile sur toile Le Procès de Jeanne d'Arc que les critiques rapprochent de l'esthétique de la tapisserie, des vitraux ou des enluminures, la rutilance des costumes, la densité des personnages. Il faut se laisser surprendre par ces toiles comme La Cafetière bleue (1956) ou l'huile l'Académie Goncourt (1956), ces portraits (Jean Cocteau, Monsieur Rottembourg, Yves Saint-Laurent), ces véhicules rutilants style bande dessinée (un cabriolet rouge, une traction noire, un coupé jaune et noir).
Côté popularité, sa rencontre avec Annabel, avec qui il forma un couple célèbre durant plusieurs décennies, est largement évoquée par coupures de presse interposées. Il lui dédiera une exposition en la dessinant de face, de profil, en robe du soir, en maillot de bain, en mannequin vedette sur la Croisette de Cannes. Celle qui fut son épouse a contribué à la notoriété publique d'un homme qui fit durablement les titres des grands magazines, et dont les célébrités se disputaient la compagnie. Parmi ces rencontres que l'expo prend plaisir à citer - outre son compagnon Pierre Bergé - le visiteur reconnait des gens tels Jean Giono, Christian Dior, Jean Cocteau, Françoise Sagan, Yves Saint-Laurent, Sophia Loren, Gina Lollobrigida ou Georges Simenon, entre autres personnalités.
Bernard Buffet, médiéval et pop. Musée d'Art moderne de Fontevraud. Jusqu'au dimanche 29 septembre 2024.