Ils ont dansé sur les toits d’Angers

11/10/2020

Ceux qui passaient par là n'en ont pas cru leurs yeux. Perchées sur les toits des deux rives de la Maine, tout de rouge vêtues, à bonne distance de leurs compagnons de scène, de drôles de silhouettes ont interprété une singulière chorégraphie en investissant l'espace aérien angevin.

« Roof Piece » de Trisha Brown, où l’art de mettre à l’unisson la danse et le patrimoine.
« Roof Piece » de Trisha Brown, où l’art de mettre à l’unisson la danse et le patrimoine.

Avec la terrasse du Quai et les tours du château du Roi René pour terrain d'expression, des danseurs et danseuses du CNDC d'Angers ont présenté la création Roof Pièce, un ballet de l'Américaine Trisha Brown. Du haut de leurs perchoirs dispersés aux quatre vents, sans public en face d'eux, mais avec une vue sur les toits de la ville pour horizon, les étudiants du Centre national de danse contemporaine d'Angers ont effectué une insolite performance en exécutant de sublimes chorégraphies.

Il y avait une sensation de jamais vu avec ces jeunes gens en plein mouvement tout là-haut, au-dessus des têtes. D'autant qu'il fallait ouvrir l'œil pour s'apercevoir qu'ils étaient sept personnages, répartis sur les deux rives de la rivière. Tous positionnés en autant d'endroits improbables : au milieu de la Maine sur une embarcation, sur le quai Tabarly, sur les tours et les remparts du château d'Angers, sur le balcon d'un appartement, sur la terrasse du théâtre du Quai. À distance respectable les uns des autres.

De haut de son petit coin de ciel, la danseuse donne le tempo à ses camarades de scène.
De haut de son petit coin de ciel, la danseuse donne le tempo à ses camarades de scène.

Le but consistait à exécuter des figures chorégraphiques et à se les transmettre à tour de rôle, comme lors d'un passage de témoin entre relayeurs sportifs. Chaque danseur s'inscrivant dans une vague à sens unique, il fallait à chacun d'eux une vigilance exacerbée afin de rester dans le mouvement de son voisin ou de sa voisine. On assista alors à une sorte de « ola » poétique, constituée de gestes légers, d'amplitudes contenues et d'évolutions délicates. Mais aussi et surtout à une performance autant physique qu'artistique.

Pour le parterre présent sur le toit du Quai, le spectacle fut royal avec ces gracieuses silhouettes découpées dans le ciel angevin. On les trouvait à gauche et à droite, devant et derrière, à proximité ou au loin, au gré de leurs podiums improvisés. Pas de musique, pas de commentaires, pas d'entracte, pas d'applaudissements pour les accompagner. Juste un silence suspendu pour un moment de grâce et de légèreté. Profanes ou initiés, chacun fut saisi par la magie de l'instant.

Inscrite dans la programmation du Centre national de danse contemporaine d'Angers, cette pièce s'intégrait dans le projet chorégraphique du tout nouveau directeur, Noé Soulier. « Dans cette période de contrainte et de distanciation physiques, Roof Pièce permet de renouer le rapport direct du corps aux éléments naturel et à la ville », indiquait-il dans sa présentation. Tant pour la distanciation que pour le contenu artistique, le message a été vu et entendu.

Perdue dans l’inconfort du béton, la danseuse exilée ne va jamais faillir à l’harmonie de la troupe.
Perdue dans l’inconfort du béton, la danseuse exilée ne va jamais faillir à l’harmonie de la troupe.