Foulques Nerra, comte d’Anjou : l'épée et la piété

05/01/2022

Foulques III d'Anjou, dit Foulques Nerra (le Noir), est reconnu tant pour son destin de conquérant que pour sa constance de bâtisseur. De tous les seigneurs féodaux qui ont marqué leur temps, il est celui qui aura régné si longtemps qu'il côtoya rien moins que trois rois de France successifs : Hugues Capet, Robert II le Pieux et Henri Ier.

Il a donné son nom à des rues, des boulevards, des places, des centres culturels, des établissements, à une association, à une troupe équestre... Il a fait de l'Anjou son domaine, de la Touraine sa terre promise. Dans ces deux régions, beaucoup connaissent ce personnage singulier. Ailleurs, un peu moins. Pourtant, cet homme fut un seigneur de légende. C'était au temps des chevaliers et des châteaux forts. C'était au Moyen Âge, en l'An Mil. Foulques Nerra était son nom, Faucon Noir son surnom.

Fils d'Adèle de Vermandois et de Geoffroy Ier d'Anjou, de la dynastie des Ingelgériens, Foulques III Nerra est né vers 970 dans le confus Xe siècle et devint comte d'Anjou à la mort de son père en 987, année du sacre du roi Hugues Capet. Son règne fut d'une longévité rarissime et il occupa la scène féodale durant cinquante-trois ans. Individu hors du commun, Il contribua à la puissance angevine au cours d'une existence digne d'un roman.

En succédant à son père, il chercha d'emblée à repousser les limites du comté d'Anjou en lorgnant vers la Bretagne et l'Aquitaine, mais également vers la Touraine, guerroyant à la fois contre Conan 1er, duc de Rennes, et Eudes II, comte de Blois. Il convoita notamment Tours, Chinon et Amboise. Insatiable envahisseur, il n'oublia surtout pas d'étendre sa suprématie sur Angers, Saumur et les Mauges, donnant ainsi un élan à la première Maison d'Anjou, fondée par le vicomte Ingelger, puis consolidée ensuite par les Plantagenêts.

Il fonda maints édifices religieux, notamment en ses terres angevines où on lui doit les abbayes du Ronceray et de Saint-Nicolas.

D'aucuns affirment que le roi Hugues Capet, craignant une coalition entre Conan et Eudes, aurait encouragé Foulques Nerra à les combattre. Afin d'assouvir ses ambitions militaires, celui-ci validera ses conquêtes guerrières en édifiant donjons et fortins tels Langeais (37), Monbazon (37), Sainte-Maure (37), Montrichard (41), Montrésor (37), Loches (37). On lui doit aussi d'avoir jeté les bases des châteaux de Brissac, Baugé, Durtal, Montsoreau.

Face à la faiblesse du royaume et aux troubles qui l'agitaient, de puissants seigneurs s'imposèrent dans leurs comtés et leurs duchés respectifs en s'arrogeant le droit de condamner, de rendre la justice, de prélever des amendes, d'opérer des confiscations. Sans foi ni loi, le Faucon Noir cumula les actions militaires et les actes de cruautés au point que la légende raconte qu'il fit brûler vive sa première femme, Elisabeth de Vendôme, sous prétexte d'adultère, mais plus sûrement pour ne pas lui avoir donné d'héritier masculin.

Cependant, et sans que la chronique historique ne s'en fasse l'écho, le comte d'Anjou œuvra à la promotion des classes populaires, à l'émancipation des serfs, à l'essor de l'agriculture, à une organisation administrative, à l'enseignement. Ce guerrier à la personnalité complexe, tiraillé entre sa brutalité et sa crainte de Dieu, fonda maints édifices religieux, notamment en ses terres angevines où on lui doit les abbayes du Ronceray et de Saint-Nicolas, entre autres actions charitables. Sa réputation de grand bâtisseur, il l'a obtenue à construire châteaux, abbayes, monastères églises, maisons fortes...

Les repentances qu'il s'infligea furent à la hauteur des crimes et des forfaits qui jalonnèrent sa vie. Au nom de sa dévotion, il fit ainsi par trois fois (1002, 1008, 1039) l'éprouvant voyage pour Jérusalem en Terre Sainte, en expiation de ses actes. C'est au retour de son ultime pèlerinage sur les rives du Jourdain, qu'il passa de vie à trépas à l'âge de 70 ans, à Metz, en présence de l'évêque de la ville, Thierry du Luxembourg. Sa dépouille fut transférée à l'abbaye de Beaulieu-lès-Loches

De nos jours, à l'évocation du Moyen Âge, les Angevins(es) citeront volontiers le roi René, sa vie, son œuvre, son château. S'ils remontent plus loin dans le haut Moyen Âge, quelque deux siècles plus tôt, certains s'étonneront peut-être en découvrant cet homme hors norme - moins populaire que le fameux bon Roi - qui fut tour à tour comte, guerrier, bâtisseur, croyant, pénitent... mais surtout grand mécène du patrimoine angevin. D'ailleurs, si les pierres pouvaient parler, elles chanteraient sûrement les louanges de ce Foulques III d'Anjou.


Note de la rédaction

Pour les besoins de l'illustration supérieure, le château d'Angers, dont la construction est postérieure à Foulques Nerra, a pour seul but de planter le décor. Le buste, quant à lui, provient du site Gallica.bnf.