Château de Montgeoffroy, le raffinement incarné

20/09/2018

Partiellement rasé au XVIIIe siècle, hormis les deux tours et les douves, le château de Montgeoffroy, situé à Mazé, entre Angers et Saumur, fut entièrement reconstruit par le Maréchal de Contades à partir de 1772. À l'époque, il aura fallu un peu moins de quatre ans à 4000 personnes pour achever cette demeure désormais considérée comme un chef d'œuvre de l'architecture française.

Au coeur de l'Anjou, le Château de Montgeoffroy est l'incarnation d'une harmonie aboutie.
Au coeur de l'Anjou, le Château de Montgeoffroy est l'incarnation d'une harmonie aboutie.

Au bout d'une longue allée largement dégagée de part et d'autre sur d'immenses pelouses tirées au cordeau, se dresse majestueusement un joyau de pierres blanches, le Château de Montgeoffroy. Posé au milieu d'un cadre complètement aéré, bordé sur ses côtés par les deux tours angulaires, couvert par une toiture d'ardoises de laquelle émergent des cheminées en brique rose, l'ensemble ne manque pas d'allure et de classe. Ce modèle d'architecture dessiné par l'architecte parisien Nicolas Barré propose une symétrie parfaite et équilibrée. Vu de l'extérieur avec ses nombreuses fenêtres en alignement sur trois niveaux, cet édifice ressemble nettement à un palais.

Et à l'intérieur, l'attente est à la hauteur de la parure extérieure, notamment grâce à l'ameublement qui date de près de deux cent cinquante ans et demeure dans un état de conservation remarquable : meubles estampillés par les plus grands ébénistes, tableaux de maîtres, tapisseries, boiseries précieuses, soieries, porcelaines de Chine, etc. Le chic et l'élégance du lieu sont les témoins d'un art de vivre, d'une « vie de château » d'un temps disparu. Ici, rien n'a changé, tout est toujours en place et a été précieusement protégé par les descendants de la famille qui y demeurent encore. Même la superbe cuisine, avec ses 260 pièces de cuivre et d'étain, est restée dans son jus. D'ailleurs, la famille vient encore à l'occasion y prendre certains de ses repas.

Dans ces lieux où on organisait volontiers des banquets, des soirées où des jeux en société, les petites histoires côtoyaient la grande Histoire. Ainsi, dans la salle d'attente autrement appelée salle d'apparat, on jouait notamment de l'argent comme au casino, on y perdait, on y gagnait, on se délectait des petites anecdotes, on cancanait, on s'amusait... Selon les guides en charge du domaine, on se piquait volontiers des impairs des uns et des autres, comme lorsque l'un d'eux proposait un chocolat chaud à une dame sans savoir que c'était considéré comme une invitation coquine ; on inventait des expressions qui allaient traverser les époques, comme « avoir le bras long » à propos d'un convive qui attrapait le mets placé devant un voisin, ou encore, comme « joindre les deux bouts » quand la préséance voulait qu'on noue sa serviette de table autour du cou...

Contemplé comme une œuvre aboutie du 18e siècle, le château doit également sa notoriété parce qu'il est un des rares édifices, sinon le seul, de ce type à avoir survécu à la Révolution, grâce notamment à la population locale, impliquée dans un premier temps par sa construction, puis mobilisée afin de le sauver d'une destruction programmée. L'histoire allait se répéter plus tard, pendant la dernière guerre mondiale, lorsque les Allemands s'y étaient attardés durant un petit mois sans causer de dommage réel. Juste le temps pour les habitants de cacher les biens les plus précieux, soit en les enterrant dans les jardins, soit dans des caches aménagées. En résumé, rien n'aurait changé depuis l'arrivée du Maréchal de Contades en 1772.

Mais une anecdote des plus étonnantes a stupéfié l'auditoire des visiteurs. Non pas parce que l'épouse du maître des lieux, Nicole-Françoise Magon de la Lande a entièrement financé de ses deniers la construction de ce monument, mais parce qu'elle n'y a jamais vécu. Fille d'un richissime armateur de Saint-Malo, président de la Compagnie des Indes, la dame n'a jamais demeuré à Montgeoffroy, laissant sa place à la maîtresse officielle du Maréchal de Contades. Cette dernière, Hélène Hérault de Séchelles a partagé la vie de celui-ci jusqu'à sa mort à l'âge de 91 ans, lui donnant même un fils « légitime ».