Au tribunal, le faux procès de la biodynamie
Dans le cadre de Food'Angers, cet événement qui célèbre les vins de la Loire et la gastronomie pendant dix jours de festivités gourmandes, le Tribunal de justice d'Angers accueillait le procès fictif de la biodynamie dans une atmosphère à la fois pédagogique mais surtout satirique. Un grand moment !
Faux procès mais vraie audience à la cour d'assises du Palais de justice d'Angers. En amorce de Food'Angers qui se déroule dans la ville et dans quelques communes associées du département, se jugeait ce jour-là et « pour de rire » une affaire qui s'apparentait, toutes proportions gardées, à l'époque ténébreuse des chasses en sorcellerie, satanisme ou charlatanisme, avec un accusé nommé « biodynamie ». Car à défaut de diviser les vignerons en des catégories irréconciliables, ce procédé de fabrication qui pousse la démarche bio au-delà de ses principes innove radicalement et interpelle. La méthode fait appel à de vieilles recettes : on infuse des préparations (pissenlit, corne de boeuf, bouses de vaches, lisiers...), on fait macérer des plantes, on enrichit les sols, on joue sur les saisons, on table sur les influences lunaires, etc.
C'est Maître Eric Morain, défenseur dans le passé du vigneron Olivier Cousin, qui avait fait le déplacement depuis Paris pour assurer la défense du prévenu.
Bref, ça fait parler dans les vignes ! Alors tant qu'à faire, pourquoi ne pas pousser le bouchon jusqu'à faire un procès pour en débattre ? Eh bien, qu'à cela ne tienne pour l'association des Confluences pénales de l'ouest qui a planifié en la Salle d'audience H de la Cour d'assises cette procédure contre la biodynamie. Devant le grand public convié à l'événement, un jéroboam se dressait symboliquement sur le banc des accusés, encadré par des représentants de la confrérie des Saccavins en tenue d'apparat. Et c'est Maître Eric Morain, défenseur dans le passé du vigneron Olivier Cousin, qui avait fait le déplacement depuis Paris pour assurer la défense du prévenu personnifié par ce contenant en verre de 4,5 litres.
Autour du président Philippe Dary drapé dans sa toge d'hermine rouge et de ses deux assesseurs (vrais magistrats et vrais avocats), un jury composé de scientifiques, acheteurs, journalistes spécialisés, directeur d'école supérieure, patron de supermarchés, cavistes ou responsable de formation, était appelé à siéger et prononcer un verdict. À la barre, et après avoir écouté des témoignages par vidéos interposées, se sont succédé comme témoins à comparaître des viticulteurs (dont Christophe Daviau de Brissac) et une sommelière bien connue des Angevins et reconnue par ses pairs, Mathilde Favre d'Anne. Laquelle répondra sans ambages à la question impertinente d'un des jurés (Comment trouvez-vous le vin issu de la biodynamie ?) par un « Il est bon ! »
Maître Pascal Rouiller s'est illustré dans un grand numéro d'éloquence, d'humour et d'ironie, à grands renforts d'effets de manches et d'envolées oratoires.
Dans le rôle de l'avocat général et pour le compte de l'accusation, Maître Pascal Rouiller s'est illustré dans un grand numéro d'éloquence, d'humour et d'ironie, à grands renforts d'effets de manches et d'envolées oratoires : « Ah, les sectaires de la biodynamie avec vos méthodes, vos gourous, vous nous enfumez, vous nous trompez, vous nous bernez. Vous êtes des charlatans ! Puisqu'il en est ainsi : INRA, ESA, Grandes écoles, cessons d'étudier, allons tous uriner sur nos plantes ». Et d'imiter notamment sans la citer une candidate à la présidentielle : « Gare, ils sont là ! Sonnez l'hallali » en se faisant accompagner dans son propos par une musique de chasse à courre. Hilarité générale garantie dans l'assistance. En conclusion de son réquisitoire, il se tournait vers les juges : « Ce « Jérôme Boam », déclarez-le coupable, condamnez-le, décapitez-le, videz-le de son sang ! Que je vous recommande de boire... »
Face à ce réquisitoire enlevé, la défense conservait son sang froid sans se démonter : « Mon client ne veut que votre bonheur, lui dont le seul sponsor est le soleil. Ainsi, on veut lui couper le bouchon, on le juge, demain on l'encensera ». Sûr de son fait et cependant moins démonstratif que son opposant de l'accusation, Maître Eric Morain a plaidé un acquittement de son client « Jérôme Boam » en posant perfidement la question : « Où sont les veuves éplorées des lombrics que vous pleurez ? Allons, le bon sens paysan doit l'emporter ». Avant de clore sa plaidoirie par un vibrant « Cet accusé, innocentons-le, buvons-le ! Il n'est fait que de raisin qui enivre certes, mais ne saoule pas », il avait moqué son opposant en affirmant : « La biodynamie, c'est le contraire de l'autobronzant artificiel que vous semblez utiliser pour votre usage personnel, il n'enrichit pas les labos ».
Comme dans la réalité et après deux heures d'une parodie de haute tenue, soulevant à longueur de répliques la liesse collective mais faisant aussi oeuvre de vulgarisation à l'endroit des profanes, la cour se retirait « comme pour de vrai » pour mieux revenir avant de livrer un verdict attendu : « Coupable, non ! Acquitté, oui ! » Plébiscité pour ce spectacle digne d'un film ou d'une comédie théâtrale, le public a longuement ovationné les protagonistes de la pièce (pardon du procès) dans leur propre rôle, des acteurs plus vrais que nature. Et pour cause...