Aérodrome d’Avrillé, une épopée angevine de l'aviation
Jadis, quand on parlait d'Avrillé à un Angevin, la première chose qu'il retenait à propos de cette ville était son terrain d'aviation. Jusque dans les années quatre-vingts, de nombreux promeneurs en avaient fait leur destination dominicale et s'y rendaient volontiers afin d'assister au ballet aérien des aéroplanes dans le ciel angevin.
Il s'agit d'une époque où le spectacle des avions dans le ciel faisait rêver petits et grands, où le captivant trafic des aéronefs et des planeurs constituait un émerveillement total, où les exploits des pionniers d'antan étaient ancrés dans les mémoires. C'était au temps où l'histoire du terrain d'aviation d'Avrillé était liée à celle des aventuriers du ciel. Et surtout, c'était avant que l'historique aéroport angevin ne disparaisse en 1998 pour être transféré à Marcé (49).
Bien avant que l'aire d'atterrissage d'Avrillé soit inaugurée le 16 mai 1914 à l'initiative du marquis de Farcy et des frères Pierre et René Gasnier, ces mêmes protagonistes avaient préalablement équipé en 1907 un « champ d'aviation » provisoire pour une activité de vols en ballon, lequel terrain était aménagé avec des installations sommaires et démontables. Les Archives municipales d'Angers notent que le site était constitué par « un terrain en herbe traversé en son milieu par le chemin des Raffoux bordé de haies d'arbres, tribunes et tour d'observation en bois, hangars Bessonneau en toile ».
La légende de l'aviation angevine est réellement née le 17 septembre 1908 avec l'exploit de René Gasnier qui fut le premier pilote en Anjou à faire décoller un aéroplane de sa conception. Ce jour-là, il s'éleva au-dessus de la plaine de Rochefort-sur-Loire sur une hauteur de 6 mètres et sur une distance de 500 mètres. Situé sur les hauteurs de la Haie-Longue, sur la corniche qui mène de Rochefort-sur-Loire à Chalonnes, un monument à sa mémoire rappelle la performance. Le nom de son frère, Pierre Gasnier (1875-1970), lui aussi pionnier de l'air et aviateur, est également gravé dans la pierre.
Dans les annales de la ville, Angers s'inscrit à jamais comme un haut-lieu de l'aéronautique française d'autant que c'est à partir de son aérodrome que fut organisé en juin 1910 le fameux Grand Meeting, avec une liaison de ville à ville (Angers à Saumur) qui constituait une première en France. Les 16 et 17 juin 1912, a lieu le Circuit d'Anjou (une triangulaire Angers-Cholet-Saumur), premier Grand Prix d'Aviation de l'Aéro-club de France qui réunit 40 machines volantes au départ. Il sera remporté par Roland Garros qui parcourt 1100 km sur son Blériot.
Au fil des dates, Angers continuera d'alimenter sa chronique du ciel. Ainsi, après leur traversée de l'Atlantique-Nord, première liaison Paris-New-York du 1er septembre 1930, les Français Dieudonné Costes et Maurice Bellonte sont reçus à l'Hôtel de Ville. Durant ces années 30, et selon le livre de Jacques Boisnard, Histoire de l'aviation en Anjou, Angers organisera des courses de vitesse, où défileront tous les prestigieux champions de l'époque, tels que Michel Detroyat, Raymond Delmotte, Maurice Arnoux, aux commandes de leurs magnifiques Caudron Renault.
Aviatrice au talent exceptionnel, la Parisienne Hélène Boucher (1908-1934) sera la première femme à franchir la ligne d'arrivée en tandem féminin aux 12 heures d'Angers en juillet 1933, et cela après avoir battu un record du monde d'altitude féminin sur avion léger (5 900 mètres à bord de son Mauboussin). Le 8 juillet 1934, lors de la seconde édition de cette épreuve, celle qui s'illustra également dans l'acrobatie aérienne battra le record du monde des 1000 km en pilotant 12 heures d'affilée sur son Caudron-Rafale.
L'histoire de l'aérodrome angevin s'écrit à travers une suite de dates. 1922 : formation d'élèves pilotes. 1938 : construction d'un bâtiment pour le compte de la Compagnie française d'aviation (CFA). 1939 : parmi les élèves pilotes affectés à l'école de pilotage, Angers forme un futur héros de guerre en la personne de Roland de la Poype (1920-2012), qui va se couvrir de gloire dans l'unité Normandie-Niémen. 1944 : les Américains bombardent les hangars et les avions parqués au sol. 1947 : l'Aéro club de l'Ouest organise le Rallye des vins, fleurs et châteaux d'Anjou. 1957 : l'Aéro club organise les 8 Jours d'Angers, compétition de vol à voile. 1978 : des visites sont organisées à bord d'une Caravelle posée sur l'aérodrome.
De ces lieux qui ont fait l'histoire de l'aéronautique locale, il ne subsiste aucune trace tangible de l'époque car l'aéroport d'Angers-Avrillé a été avalé par le béton d'une urbanisation galopante. En lieu et place, on trouve un nouveau quartier, les Hauts de Saint-Aubin. Par chance, les autorités ont décidé de sauver in-extrémis l'ancienne école de pilotage de la Compagnie Française d'Aviation (CFA). Bombardé pendant la guerre, puis abandonné, et enfin réhabilité, le bâtiment a été affecté à la Maison de l'Architecture du Maine-et-Loire, puis inscrit au titre des Monuments historiques en 2004.
Par ailleurs, sur ce site-même, un monument vertical à la gloire des aviateurs côtoie une exposition extérieure imaginée par le Conseil général et des partenaires institutionnels. Intitulée « Mémoire du lieu », cette installation extérieure serpente au pied des immeubles d'habitation et se décline par la grâce d'une dizaine de totems disposés en enfilade (voir photo supérieure). De nombreuses informations y sont fournies et rappellent les heures glorieuses d'une époque à jamais révolue.
Pour en savoir plus : CFA, Aéro-club Angers,